La CGT douanes a saisi par courrier le Premier Ministre.
Les narcotrafics mais plus globalement la lutte contre toutes les fraudes sont au coeur de l’actualité.
Nos effectifs, nos moyens et notre cartographie ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Nous le sollicitons pour une rencontre.
Vous trouverez ci-joint et ci-dessous notre courrier.
Monsieur le Premier Ministre,
Le narcotrafic et le rôle des administrations régaliennes de l’état sont au cœur de l’actualité depuis plusieurs mois. Les saisies record s’enchaînent, ce qui démontre le flux exponentiel de ces importations et le rôle prépondérant des administrations de contrôle, au rang desquelles la Direction Générale des Douanes et Droits indirects, qui assure la saisie à elle seule de 75 % des stupéfiants sur l’ensemble de nos territoires.
La douane s’est modernisée au gré des réformes, elle s’est dotée d’outils de renseignement, d’enquête et de ciblage plus cohérents avec les pratiques frauduleuses et criminelles. Elle s’est aussi démunie de nombreux moyens, tant humains que matériels. C’est notre drame.
Comment une petite administration, aux résultats si performants pour protéger la santé et la sécurité de ses concitoyens, peut-elle encore subir autant de pertes de moyens alors qu’elle devrait être renforcée sensiblement au regard de son efficacité ?
Depuis 1993, l’ouverture des frontières européennes, et la libre circulation des biens et des personnes, la DGDDI a supprimé 6500 emplois. Dans le même temps, l’Allemagne a renforcé tous ses moyens, protégeant ainsi mieux ses citoyens et son économie.
Il y a aujourd’hui 16500 douaniers français pour 48000 douaniers allemands. G.Attal, ancien Ministre du Budget, donc Ministre de tutelle de la DGDDI, ancien Premier Ministre, le déplorait encore dans son allocution du 13 juin dernier.
Nos voisins ont anticipé la multiplication des vecteurs de fraude avec la liberté de circulation. Pour notre part, nous avons supprimé entre 20 et 30 % de nos moyens pour lutter contre la fraude, protéger notre économie de la concurrence déloyale, assurer l’accompagnement de nos entreprises, garantir les recettes fiscales de l’État, lutter contre le terrorisme, appréhender la grande criminalité.
Aujourd’hui, tous les vecteurs sont utilisés pour la fraude : axes routiers principaux et secondaires, moyens ferroviaires, aéroports principaux et secondaires, navigation de plaisance et de commerce, e-commerce, etc.
S’agissant des contrôles de marchandises lors de leur dédouanement, le taux est devenu si faible que nous pouvons le qualifier d’abandon des services de l’état. Et l’absence d’une politique de contrôle sur le e-commerce renforce ce sentiment d’impuissance de nos services à exercer leurs missions de lutte contre la fraude efficacement.
S’agissant des axes routiers, la DGDDI gère aujourd’hui une forme de « pénurie » de ses effectifs. Le projet stratégique douanier (2015 / 2019) a fermé de nombreuses unités de Surveillance afin de les regrouper sur les axes dits principaux. Cela a eu pour conséquences l’abandon de nombreux axes et de nombreux départements vierges aujourd’hui de toute présence douanière. La cartographie de nos services est éloquente.
S’agissant des aéroports secondaires, la DGDDI assure aujourd’hui les missions de la PAF sur 77 points de passage. Cette mission, devenue prioritaire, n’a pas vu le renforcement des effectifs escomptés pour pouvoir allier cette mission à la lutte contre la fraude. Pire, l’annonce de la fermeture du bureau du Bourget est pour nous le signal de l’abandon de cette lutte dans des sites stratégiques.
S’agissant des aéroports principaux, les effectifs n’ont pas été renforcés non plus alors que certains vols sont devenus extrêmement sensibles. La présence fréquente de « mules » ne permet pas toujours à nos équipes en effectif réduit de lutter efficacement contre ce phénomène.
S’agissant des axes ferroviaires, ils sont souvent abandonnés malheureusement, faute de moyens humains, alors que nous avions un réseau dédié extrêmement performant. Pour cacher la pénurie une fois encore, on fusionne ces effectifs dédiés dans des unités en sous-effectifs pour assurer le minimum, et sacrifiant le maximum de ce que nous pourrions faire.
S’agissant de la plaisance ou des trafics en mer, nous avons subi de multiples réformes et réorganisations qui ont eu pour conséquences la fermeture de nombreuses brigades garde-côtes (haute mer) et de surveillance nautique (côtière) au profit de patrouilleurs. Les patrouilleurs étant souvent dédiés aujourd’hui aux missions Frontex, la surveillance maritime ne permet plus de lutter aussi efficacement contre les trafics de stupéfiants puisque nous avons déserté des pans entiers de notre zone maritime. Pourtant, la navigation de plaisance a souvent été un vecteur sensible. Nous avons trop souvent abandonné les côtes maritimes, faisant face maintenant à des techniques de largage de cocaïne sur ces zones désertées. Nous sommes démunis des moyens pour faire face aux « go fast » maritimes.
De même, nous ne sommes jamais allés au bout de la mise en place d’une mission pourtant incontournable qui est la fouille des espaces confinés de navires, en mer comme à quai. Certes cette mission exige moyens humains et matériels, formation et reconnaissance de qualification, mais aujourd’hui les douaniers souhaitent s’y engager pleinement, à condition d’en avoir les moyens.
S’agissant des grands ports maritimes, et c’est au cœur de l’actualité, le chantier est vaste mais il n’est pas insurmontable si vous avez pour ambition, Monsieur le Premier Ministre, d’engager tous les services de l’état dans la bataille de lutte contre le narcotrafic.
Voilà des années que nous demandons au Havre, à Marseille et dans les grands ports maritimes une réunion de tous les acteurs portuaires, sous votre autorité. Il est nécessaire de faire le constat de ce qui a été engagé, de ce qui doit l’être.
La coopération internationale est mise en œuvre, de nouveaux moyens technologiques sont déployés mais insuffisants, les vecteurs de fraude ont été analysés finement, les pratiques de ciblage et de renseignement se sont améliorées mais les effectifs au Havre par exemple ont été réduits de moitié à la DGDDI. Comment, avec moins de moyens humains, pourrons-nous faire face à cette grande criminalité ?
Je sais que vous partagez nos inquiétudes. C’est donc avec les acteurs du terrain que ce vaste chantier interministériel doit être engagé. C’est une demande forte qui n’a jamais été entendue jusqu’ici.
La situation aujourd’hui, l’installation sur site des réseaux criminels de narcotrafiquants, la « vague blanche » qui est en train de nous submerger, les menaces et tentatives d’intimidation sur vos agents, méritent toute notre attention et l’engagement d’un vaste plan de lutte contre les importations de stupéfiants.
Nous aimerions pouvoir échanger avec vous et vos services sur cette situation qui devient urgente et trouver avec vous la méthode pour renforcer les services de l’État, notamment ceux de la DGDDI qui nous concerne en priorité, et ainsi faire la démonstration auprès de nos concitoyens de la volonté de votre Gouvernement d’engager toutes les forces nécessaires à la lutte contre cette grande criminalité sans oublier toutes les autres bien entendu. Vos prédécesseurs ont toujours ignoré nos demandes.
La douane doit retrouver sa force de frappe. Petite par la taille, elle est forte et déterminée dans le cœur. Son renforcement est aujourd’hui plus que nécessaire, puisque c’est l’Administration au cœur du contrôle de la marchandise, positionnement ô combien stratégique.
À vos côtés, nous souhaitons que la DGDDI soit connue et reconnue, renforcée pour plus d’efficacité encore.
Dans l’attente de vous lire, je vous prie de bien vouloir accepter, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma haute considération.
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