La ministre du budget, ministre de tutelle de la douane, a (enfin) reçu les organisations syndicales des douanes ce matin à Bercy !
Plus de trois mois après sa prise de fonction, alors que la douane est au coeur de l’actualité depuis des semaines, on peut dire que le rendez-vous s’est fait attendre !
Il aura fallu un courrier de la CGT au Premier Ministre, qui a refusé de nous recevoir, pour que celui-ci lui donne l’ordre de cet échange.
L’occasion pour nous de lui rappeler un certain contexte ci-dessous
Madame la Ministre,
Nous désespérions de vous voir...depuis ce mail de vos services le 15 janvier qui disait, je cite « que la réunion multilatérale était en cours de finalisation avec votre cabinet ».
Deux mois et 13 jours plus tard, nous voici devant vous.
Un temps long, très long pour les douaniers, qui sont au cœur de l’actualité. Un temps où le Premier Ministre a refusé de nous recevoir, un temps nécessaire pour vous contraindre de le faire.
Vous connaissez mal la douane, comme vos prédécesseurs.
Comme eux, vous l’aimez déjà, vous vous réjouissez des excellents résultats à grand renfort de communication. L’un d’entre eux, alors devenu premier ministre éphémère a même fortement regretté le 13 juillet dernier ce terrible constat que nous ne disposons que de 17000 douaniers là où l’Allemagne en a 48000.
Mais la douane ce ne sont pas que des opérations de communication.
La douane ce sont des hommes et des femmes intègres, dévoués, soucieux d’offrir un service public de qualité et très attachés à leurs missions de protection de la santé et la sécurité des citoyens mais aussi de la loyauté des échanges et de la bonne santé économique des entreprises et des recettes de l’état, de la lutte contre le terrorisme, etc
Or, que se passe-t-il ?
Aucun gouvernement n’a eu le courage de donner de véritables moyens à la douane :
– sous effectifs chroniques dans de nombreux services
– perte de sens au travail
– manque de moyens
– manque de reconnaissance
– missions mises à mal et/ou abandonnées
– contrôles en berne
– perte d’attractivité
La souffrance occasionnée prend plusieurs visages :
– déshumanisation, écœurement
– collectifs de travail dégradés
– sentiment de ne plus bien faire son travail malgré l’envie de lutter contre la fraude, participer à la mission économique, contribuer grandement aux recettes de l’état
– moral en berne
– désillusion
Qui sont les responsables ?
Nos dirigeants politiques bien entendu.
Ils savent parfaitement que la douane saisit 75% des stupéfiants car elle est au cœur des dispositifs. Mais ils contribuent depuis des années, sous des prétextes fallacieux de transferts de missions, de modernisation, de dématérialisation, de transformation, de rationalisation, à affaiblir le service public douanier.
A l’heure où certains accusent les douaniers de corruption, nous pourrions vous accuser de complicité en ne donnant plus à nos services les moyens de contrôler et de fonctionner.
Ainsi donc le problème des narcotrafics serait celui de la corruption... Il est honteux d’entendre de tels propos de la bouche de ceux qui ont supprimé 6000 emplois ces 30 dernières années !
Ce sont bien les politiques menées ces dernières décennies qui ont entraîné cette situation mettant en péril les citoyens. Fermetures de bureaux et de brigades, centralisation des missions pour mieux les saborder, suppressions de brigades garde-côtes, suppression d’effectifs, abandon des territoires, voilà le désastre organisé. Nous en payons les frais aujourd’hui.
Quand le directeur de l’OFAST s’inquiète des batailles perdues face aux narco-trafiquants, quand un DI affirme « dire qu’on n’est pas un peu submergé par le narcotrafic serait mentir », ou qu’un autre avoue « que les douaniers ont le sentiment de vider la mer à la petite cuiller »...oui la submersion est là, et celle-ci qu’il faut combattre. 30 ans que nous dénonçons les suppressions dogmatiques d’emploi, des années que nous actualisons une cartographie en berne, des années que nous alertons sur la lutte contre les fraude, les moyens inexistants, le sentiment d’abandon des collègues.
Quant au déploiement du SMBI, je formule le vœu devant vous pour qu’enfin nous respections la démarche de consultation, la production des documents demandés et la sincérité de ceux-ci, un régime indemnitaire à la hauteur des attentes des agents Camari et PCR, etc. Nos demandes datent de mars 2024, la patience est une vertu qui a ses limites, et c’est l’agacement et le conflit qui s’installent aujourd’hui. Il couve, faisons le nécessaire très vite maintenant si nous voulons devenir opérationnels. Loin de répondre aux enjeux, le SMBI est là. Il faut d’ores et déjà penser aux investissements ad hoc de demain.
La Cour des comptes européenne pour sa part ne dit rien d’autre que ce que nous disons depuis des années. La fraude à la TVA aux importations représente un manque à gagner de 89 milliards pour la commission européenne. Mais elle le dit avec solennité, pointe les graves faiblesses de contrôles dans certains pays, dont la France. De nombreux dispositifs de fraude sont pointés par la Cour. Il est certain qu’en sacrifiant le contrôle, nous creusons le trou un peu plus chaque jour... Le transfert des missions fiscal était une erreur, il doit être reconsidéré.
Comment redonner de la gloire et du sens à la douane ?
– recrutez et formez massivement à hauteur de 6000 emplois dans un premier temps sur les cinq prochaines années
– abrogez les LDG qui divisent et que les agents détestent, et mettez en œuvre un plan ambitieux de promotions
– investissez pour plus de moyens à la hauteur des enjeux
– cessez les réformes mortifères
– mettez en œuvre une véritable politique d’attractivité, à commencer par l’ouverture de négociations générales du régime indemnitaire comme nous l’avons collectivement demandé
– demandez à votre homologue de la Fonction Publique de cesser de nous insulter, de nous mépriser et de s’attaquer à nos droits
– rétablissez le droit de tout travailleur à faire grève, droit constitutionnel nous le rappelons.
Votre prédécesseur, comme d’autres avant lui, s’était engagé à regarder et travailler objectivement à la cartographie douanière et au besoin de douane sur tous nos territoires. Promesse non tenue. Et pour cause, le besoin est une telle évidence et une telle urgence !
Les collègues n’ont plus confiance dans leur administration. Les organisations syndicales sont plus méprisées que jamais. Les réformes se succèdent sans aucune transparence, aucune cohérence, aucune lisibilité, aucune discussion. Il ne faut pas s’étonner que le dialogue social en souffre, il n’existe plus en vérité.
L’administration doit également être exemplaire, et cela semble lui faire défaut. En particulier lorsqu’il s’agit de l’encadrement supérieur. Nous prenons dans ces murs et dans les nôtres de grands engagements s’agissant de l’égalité entre les femmes et les hommes, de grands engagements pour protéger les victimes de violences ou de harcèlement. Comment expliquer alors que récemment, un homme condamné définitivement par la justice, condamné en discipline dans son administration, puisse faire l’objet d’une promotion ? Je suis impatiente de vous entendre Madame la Ministre. La victime aussi.
Enfin, je vous cite « Travailler plus c’est l’avenir ». C’est un propos qui ne passera pas dans la communauté douanière. Comme 75 % des français, ils refusent votre réforme et son passage à 64 ans. Et les agents de la surveillance déjà pénalisés dans la bonification, se sont fait récemment voler une promesse politicienne de portabilité de leurs droits.
Il y aurait tant à dire ! La douane est passionnante, les douaniers sont passionnés !
Si vous faites partie un jour de celles et ceux qui aiment la douane, et vous ne nous direz pas le contraire, sachez qu’il n’y a pas d’amour sans preuve d’amour.
Les promesses, nous n’en voulons plus, les mesurettes non plus. Nous attendons des actes et des gestes forts de votre part pour démontrer que la douane dans ce pays est une administration prioritaire qui doit être renforcée et reconnue. C’est ce que les douaniers attendent de leur ministre.
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