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  • Posté le 12 février 2013.

Gaz et vapeurs toxiques dans les conteneurs : la CGT lance une alerte sanitaire

Près d’un million de conteneurs en provenance d’Asie entrent chaque semaine dans les ports européens.

Chaque jour en France, des milliers de travailleurs (manutentionnaires, dockers, douaniers, déclarants en douane, magasiniers, chauffeurs routiers, logisticiens...) ouvrent des conteneurs et y pénètrent pour un temps plus ou moins long afin d’y procéder par exemple à des opérations de contrôle ou de manutention.

Un geste aussi banal pourrait avoir pour eux des conséquences graves voire mortelles, immédiatement ou par sa répétition du fait de la présence très fréquente de gaz et vapeurs toxiques parfois en grande concentration.

Différentes campagnes de mesures menées par des scientifiques en Europe et en Australie entre 2002 et 2008 ont démontré que 10 à 30% de ces conteneurs renferment des GVT dans des proportions supérieures aux normes de sécurité !

Les preuves scientifiques s’accumulent et démontrent qu’il s’agit d’un danger réel et immédiat pour la santé de tous les travailleurs amenés à pénétrer dans ces conteneurs et manipuler ou être en présence des marchandises qu’ils contiennent. Cependant, cette menace demeure mal connue du public en France (pas de campagne d’information des pouvoirs publics ou des employeurs) et pernicieuse (la quasi totalité des gaz dangereux sont incolores et inodores). Par ailleurs, les tests menés sont unanimes : il est impossible de distinguer un conteneur dangereux d’un conteneur inoffensif sans analyser son atmosphère.

De plus, certains de ces produits imprègnent les marchandises transportées et sont ensuite susceptibles d’être libérées pendant des mois et affecter ainsi la santé de tout les consommateurs.

Cette grave question de santé au travail est donc également une question de santé publique.

Les solutions préconisées par les rares employeurs qui accordent une attention au problème (Douane, sociétés employant des dockers) restent insuffisantes, la principale étant l’ouverture du conteneur 30 minutes avant d’y pénétrer.

 Quels types de gaz sont en cause ?

Les gaz concernés peuvent être rangés schématiquement dans deux catégories :

— des gaz utilisés pour la fumigation afin de détruire des organismes nuisibles (insectes, rongeurs, moisissures...) susceptibles de se diffuser du pays de départ vers l’Europe. Il s’agit donc par définition de gaz extrêmement toxiques destinés à tuer à peu près toute forme de vie ;
— souvent en association avec les premiers, les tests mettent en évidence d’autres gaz et vapeurs dont la toxicité est reconnue (benzène, toluène, xylène, COV...) pouvant avoir une autre origine, en particulier émaner des marchandises séjournant dans le conteneur ;

De plus, ces différents produits s’additionnent pour former des “gaz cocktails” ou même des composés nouveaux et inconnus dont les effets sur la santé n’ont jamais été étudiés.

 Quels dangers représentent-ils ?

Ces produits peuvent pénétrer dans l’organisme par les voies respiratoires ou à travers la peau. (Chaque composé chimique a ses spécificités : 8 des plus courants sont présentés dans un tableau ci-dessous.) La plupart d’entre eux attaque le système respiratoire et le système nerveux central. Ils peuvent également s’attaquer aux cellules sanguines, au foie, au système immunitaire et être cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques.

 Si c’est si dangereux et si courant, pourquoi n’entend-on jamais parler d’accident ?

Les quasi-totalité des gaz et vapeurs toxiques sont incolores et inodores et les symptômes d’intoxication peuvent n’apparaître que plusieurs heures après l’exposition. Surtout, ce risque est à peu près inconnu : lorsqu’un incident survient, personne ne pense à établir un lien entre les symptômes et le fait de travailler à l’intérieur de conteneurs.

Dans les pays où la connaissance du danger est plus répandue qu’en France, des accidents, parfois très graves, sont répertoriés.

Surtout, le risque le plus important est celui de l’intoxication chronique résultant de l’absorption quotidienne de doses suffisamment faibles pour ne pas avoir d’effet immédiat.

 “10 à 30% de ces conteneurs renferment des gaz et des vapeurs toxiques dans des proportions supérieures aux normes de sécurité” : pourquoi un tel écart entre des études scientifiques ?

Toutes les études n’ont pas été menées selon le même protocole même si elles ont toutes été menées dans un cadre scientifique (universitaire) garantissant leur sérieux. En particulier :
— les normes de sécurité peuvent varier d’un pays à l’autre pour un même produit ;
— l’éventail des gaz et vapeurs recherchés n’étaient pas forcément les mêmes d’une étude à l’autre (en particulier du fait de l’emploi de méthodes d’analyse différentes) ;
— les méthodes d’échantillonnage des conteneurs mesurés ne sont pas standardisées.

Par ailleurs, une étude menée à Hambourg sur 4 ans (2003-2006) montre une augmentation de la menace sur cette période (7% en 2003, 25% en 2006). L’étude australienne indique enfin que, sur la même période et en employant le même protocole, les résultats peuvent varier d’un port à l’autre.

 Pourquoi ces produits ne sont-ils pas interdits ?

La fumigation correspond à un impératif commercial (la préservation de la marchandise) mais aussi à un intérêt public fort : éviter la dissémination d’espèces invasives. Ainsi, il est communément admis que le frelon asiatique aurait été introduit en Europe lors de l’importation d’un conteneur de poteries chinoise à Bordeaux en 2004. La FAO (agence de l’ONU en charge de l’agriculture et de l’alimentation) préconise d’ailleurs la fumigation des conteneurs depuis 2002 pour lutter contre la nématode du pin qui a totalement détruit les forêts de résineux au Portugal.

Par nature, les produits utilisés pour la fumigation sont forcément toxiques. Certains produits sont peu à peu interdits mais en raison de considérations environnementales (gaz à effet de serre ou destructeurs de la couche d’ozone).

 Ce danger est-il nouveau ?

Les risques liés à la fumigation et à la manipulation du fret existent depuis longtemps mais ses effets commencent seulement à être analysés : les dockers français vivent ainsi environ 8 ans de moins que la moyenne de nos concitoyens.

De plus, le risque évolue et se diffuse du fait de la mondialisation et de la conteneurisation :
— les échanges internationaux de marchandises se multiplient et les délocalisations permettent souvent l’emploi de produits chimiques sur les chaînes de production qui sont interdits dans les pays développés ;
— 90% du commerce maritime de marchandises est désormais réalisé dans des conteneurs. Ce mode de transport “point à point” supprime les ruptures de charge dans les ports et amène le danger partout sur le territoire.

 Que demande la CGT ?

La recherche de méthodes moins dangereuses de protection contre les nuisibles dans le fret peut et doit être encouragée afin de limiter les risques.

Cependant les menaces sont multiples et la seule mesure de protection acceptable est la mesure systématique des polluants présents dans les conteneurs avant leur ouverture de façon à prendre les mesures adéquates de sécurité. De telles procédures sont déjà mises en place à travers le monde par des administrations douanières (Hollande, Belgique, Allemagne, Canada, Australie...), des entreprises (Yamaha en Belgique, Ikéa en Hollande et au Danemark...) ou des branches professionnelles entière (convention collective du transport en Belgique, en Hollande...).

 Le port d’un masque ne serait-il pas suffisant ?

Il s’agit d’une “fausse bonne idée” ! En effet, chaque gaz nécessite l’emploi d’une cartouche filtrante spécifique qui devient inopérante quand elle est saturée. De plus, certains produits chimiques pénètrent également par la peau. Il est donc nécessaire d’identifier précisément la nature du gaz et et sa concentration pour prendre des mesures de protection adaptées.

GVT et leurs dangers
Présentation des gaz des gaz et vapeurs tpxiques les plus couramment rencontrés dans les conteneurs

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